Acquisition immobilière : Quelle place pour la dette bancaire et l’assurance emprunteur ?

26/04/22

La hausse des taux des crédits constatée depuis plusieurs mois est en train d’accélérer de manière importante. L’impact de cette hausse des taux dans le coût global du crédit est loin d’être négligeable et met en péril le pouvoir d’achat immobilier. Cependant, les vertus générées par la souscription d’une dette bancaire au moment de l’acquisition d’un bien immobilier se constatent, tant d’un point de vue financier que d’un point de vue fiscal.

Sur le plan financier, la mise en place d’un financement bancaire permet à l’acquéreur d’éviter de mobiliser un capital trop important dans l’opération immobilière envisagée. Il conserve ainsi ses disponibilités, qui pourront sans doute être mises au service d’autres opérations.

Sur le plan fiscal, avoir recours à un financement bancaire permet au futur propriétaire de bénéficier d’une double déductibilité fiscale. Les intérêts de l’emprunt sont déductibles au titre de l’imposition sur les revenus fonciers, dans l’hypothèse où il s’agirait d’un investissement locatif ; et le capital de l’emprunt est déductible au titre de l’impôt sur la fortune immobilière, dans l’hypothèse où l’emprunteur y serait assujetti.

La souscription d’une dette bancaire et le poids de l’assurance emprunteur

Lors de la mise en place d’un crédit immobilier, la souscription d’une assurance emprunteur est quasi-systématiquement exigée par la banque, bien que non imposée par la loi. L’assurance décès permet de couvrir le remboursement du prêt immobilier en cas de décès de l’emprunteur. Cette assurance peut également garantir l’emprunteur en cas de survenance de certains risques définis par le contrat, par exemple l’invalidité ou le chômage. Les banques sont ainsi prémunies contre le risque que l’emprunteur ne puisse plus répondre aux échéances de son prêt en raison d’accidents de la vie.

Il est désormais interdit au prêteur d’imposer à l’emprunteur l’adhésion à un contrat d’assurance proposé par la banque. L’établissement bancaire est dans l’obligation d’accepter les délégations de contrat d’assurance individuelle choisies par l’emprunteur présentant des garanties équivalentes. Le prêteur est également dans l’impossibilité de faire varier le taux du crédit en fonction de l’assurance choisie par l’emprunteur.
Auparavant l’assurance emprunteur pouvait être changée pendant un an à la suite de la signature de l’offre d’emprunt. Depuis le 1er janvier 2018, tous les contrats d’assurance pouvaient être résiliés chaque année à la date d’échéance. La loi Lemoine promulguée le 28 février 2022 permet dorénavant à l’emprunteur de changer d’assurance à tout moment.

L’opportunité de souscrire une dette dans la perspective d’une transmission à titre gratuit

La souscription d’une dette bancaire présente également de nombreux avantages dans la perspective d’une future transmission à titre gratuit à court ou moyen terme. Ces atouts apparaissent tant en matière de transmission entre vifs qu’en cas de décès.

Dans la perspective d’une donation entre vifs, l’existence d’une dette contractée pour l’acquisition des biens immobiliers objets de la donation permet, si certaines conditions sont remplies, de diminuer la valeur des biens transmis et donc, sur le plan fiscal, de réduire sensiblement l’assiette taxable aux droits de mutation à titre gratuit.

Lors d’une donation en direct, une dette peut, si elle est mise à la charge du donataire – celui qui reçoit le bien – dans l’acte de donation, être déduite pour la liquidation des droits de donation. Ainsi, dans l’hypothèse où un bien serait acquis avec un financement bancaire à 100% puis immédiatement transmis à titre gratuit, aucun droit de donation ne serait exigible au jour de la donation, le capital restant dû sur l’emprunt bancaire étant intégralement déductible. Pour rappel, ce principe s’applique également lors d’une transmission de parts sociales d’une société comprenant un bien et une dette bancaire.

Lors d’une succession, l’existence d’une dette souscrite par le défunt permet de limiter les charges incombant à ses héritiers, qu’elle fasse l’objet d’une assurance ou non. Lorsque l’emprunt bancaire n’est pas assuré à 100%, c’est aux héritiers qu’incombe la charge de rembourser le montant restant dû à l’établissement bancaire. Ceux-ci bénéficient de la faculté de déduire ces sommes de l’actif successoral taxable aux droits de mutation à titre gratuit et, ainsi, de limiter les droits de succession dont ils sont redevables.

L’importance de bien déterminer le bénéficiaire de l’assurance emprunteur

Lorsque l’emprunt bancaire est couvert par une police d’assurance décès, la dette dont le défunt était redevable est remboursée par la compagnie d’assurance et les héritiers n’ont ainsi aucune somme à débourser. Cependant, le capital restant dû ne peut pas être déduit de l’actif successoral taxable. En effet, l’administration fiscale considère que la compagnie d’assurance est substituée à l’emprunteur pour rembourser le crédit. L’emprunteur initial n’étant plus débiteur du contrat de prêt par son décès, aucune dette ne peut être déduite au passif de sa succession.

Afin de pallier cet inconvénient, la souscription d’une assurance décès au bénéfice des héritiers – et non au bénéfice de l’organisme prêteur – peut être envisagée. Dans ce schéma, les héritiers sont bénéficiaires du capital versé, à charge pour eux d’affecter les fonds alloués au remboursement de l’emprunt. Cette opération est doublement bénéfique pour les héritiers : d’un côté, ils reçoivent une indemnité leur permettant de rembourser le capital restant dû et d’un autre côté, ils peuvent mentionner l’emprunt au passif successoral et donc diminuer les droits de succession dont ils sont redevables.

Illustration : Le défunt a acquis un bien immobilier d’une valeur de 10.000.000€ en le finançant via un prêt in fine de 20 ans pour une valeur de 12.000.000€, assuré avec une quotité de 100%. Au jour de la succession, le bien est valorisé à 15.000.000€.

Première hypothèse : L’assurance décès est souscrite au profit de l’organisme prêteur :
L’emprunt in fine est totalement remboursé par la compagnie d’assurance au profit de l’organisme prêteur. Le bien immobilier valorisé à 15.000.000€ entre dans l’actif successoral des héritiers. Le bien sera imposé selon le barème des droits de mutation à titre gratuit à 45%, soit une imposition d’environ 6.750.000€.

Deuxième hypothèse : L’assurance décès désigne comme bénéficiaires les héritiers de l’assuré :
Le montant de l’emprunt in fine sera versé aux héritiers de l’assuré, ils devront alors rembourser l’emprunt, et pourront mentionner le capital au passif successoral. Ainsi le bien d’une valeur de 15.000.000€ à l’actif aura également un passif de 12.000.000€, soit un actif net taxable de 3.000.000€. L’impôt dû sur ce bien sera inférieur à 1.350.000€.

Ainsi, dans un objectif de transmission, la souscription d’une dette bancaire lors de l’acquisition d’un bien joue un rôle primordial. Il s’avère également opportun que l’assurance emprunteur soit contractée au bénéfice des héritiers du souscripteur de la dette. Il sera alors nécessaire, dès la mise en place du financement, de négocier avec l’établissement bancaire pour démontrer le réel bénéfice pour les héritiers de l’emprunteur, et pour encadrer les modalités de remboursement leur incombant, ce qui permettra de rassurer la banque quant au remboursement du capital restant dû en cas de survenance d’un sinistre.