Quel impact de l’environnement macro-économique sur le support en euros

21/07/22

Après avoir doublé en février (augmentation de 0,50% à 1%), et conformément aux recommandations de La Banque de France, le taux du Livret A va s’établir à 2% au 1er août.
Cette hausse s’explique par le resserrement monétaire, couplé à une hausse violente de l’inflation, qui s’est traduit par un rebond rapide des taux d’intérêt nominaux début 2022.
A titre d’illustration, l’OAT 10 ans est passé de 0,2% fin 2021 à près de 1,5% début mai 2022. Néanmoins, depuis le début de l’été, cette progression des taux d’intérêts semble marquer le pas.

Ce ralentissement s’explique par les craintes de récession, qui font douter les marchés sur la capacité des banques centrales de remonter leur taux directeur durablement, malgré les risques inflationnistes. Ces mouvements importants sur les taux entraînent des conséquences significatives sur le support en euros, qui reste néanmoins plébiscité par les épargnants français.

Fonctionnement et composition du fonds en euros

Le fonds en euro, est un support d’investissement proposé par certaines compagnies d’assurances au sein des contrats d’assurance vie et de capitalisation. L’intérêt principal de ce placement est de proposer une garantie en capital. A cette composante sécurité, s’ajoute une forte liquidité (quotidienne voire quelques jours maximum). Pour parvenir à sécuriser le capital des investisseurs, tout en assurant sa liquidité, les équipes des assureurs en charge de la gestion du fonds en euros achètent traditionnellement des obligations émises par des émetteurs (publics et privés) de grande qualité (notation moyenne « A »). Ils conservent ensuite ces titres jusqu’à leur remboursement au terme, en touchant le coupon correspondant.

Il est assez rare que les gérants cèdent des obligations détenues avant leur terme : dans un contexte de hausse de taux, la valorisation des nouvelles obligations étant supérieure à celle des anciennes, une cession avant le terme constaterait une moins-value. Au fil des années, les portefeuilles constituant le support en euros des assureurs s’est diversifié, afin de s’adapter au contexte de taux durablement bas, et d’apporter de nouveaux leviers de performance. Au côté des obligations, les assureurs ont également acquis des actions, de l’immobilier et des actifs non cotés (dette privée, private equity, infrastructures…)

Adaptation au contexte de taux bas

Le mouvement généralisé de baisse des taux a naturellement poussé les assureurs à diversifier les sources de performance de leur portefeuille. A la fin de l’année 2021, l’allocation des actifs généraux des assureurs se composait souvent à plus de 20% voire 25% d’actifs de diversification (actions, immobilier et actifs non coté. Bien que pesant inévitablement sur la liquidité du portefeuille, ce mouvement de diversification a permis de générer une part significative du rendement des fonds en euros.

Le reste du portefeuille (75% à 80%) est en général investi pour moitié en crédit privé et pour moitié en obligations souveraines. Or dans un environnement de taux bas voire négatifs, ces actifs ont procurer une performance quasi-nulle.

La part croissante des actifs risqués dans le portefeuille s’est accompagnée d’un moindre appétit pour les obligations souveraines et celles présentant les meilleures notations. En effet, les gérants ont dû répondre à l’environnement défavorable sur les taux par une dégradation de la qualité – ou de la liquidité – des supports obligataires.

Particulièrement depuis 2020, ils ont été contraints d’accroitre leur exposition aux catégories d’obligations plus risquées (subordonnées financières par exemple) ou en se portant acquéreur d’obligations sur des maturités longues (plus de 8 ans).

Cependant, grâce à la collecte régulière des compagnies et à la stabilité du passif (peu de rachats), les gérants ont réussi à conserver un rendement positif sur le support en euros. Cette collecte s’est également révélée un inconvénient pour les assureurs, qui ont vu croitre les liquidités dans le fonds général, sans pouvoir l’investir (Cf. Contexte 2021 de taux négatifs et valorisation des actifs de diversification – actions notamment – au plus haut).

La nouvelle donne macroéconomique et le mouvement de normalisation des taux d’intérêt a drastiquement accru la latitude des gérants, leur permettant d’améliorer la qualité et le rendement des supports en euros.

Stratégies adoptées par les assureurs en 2022

Dès le tout début de l’année 2022, en voyant les taux de l’ensemble des actifs obligataires croitre rapidement, les gérants sont passés à l’achat. Dans un premier temps, ils ont utilisé les fortes réserves de liquidités accumulées, et qui représentaient fin 2021 jusqu’à 10% de leur portefeuille. Ces liquidités leur ont permis d’acheter des emprunts souverains sur des maturités assez longues (Cf. Hausse de l’OAT 10 ans).

Puis, observant une hausse du spread (écart de taux par rapport à un actif de référence, souvent les rendements des obligations souveraines), les gérants ont voulu tirer parti de cet écartement des taux. Ils ont alors, particulièrement à partir du mois d’avril, concentré leurs achats sur les obligations corporate dont le rendement était largement supérieur aux taux souverains.

En plus d’un rendement conséquent (parfois supérieur à 3%), ces emprunts obligataires présentaient l’avantage d’avoir une duration plus courte que les crédits souverains, et conservaient une excellente notation de crédit. A titre d’illustration, l’émission obligataire de mai 2022 de Bouygues s’est fait sur un coupon annuel de 2,25% (maturité 7 ans) vs 0,50% en novembre 2021 sur une maturité supérieure.

Si les gérants portent généralement les obligations acquises jusqu’à leur terme, ils ont néanmoins réalisé des arbitrages afin de profiter de bonnes conditions de marché. Ces cessions d’obligations, qui ont parfois constaté des moins-values, ont été amorties par des ventes d’actions en plus-values.

Ces ventes ont surtout permis aux gestionnaires de se repositionner sur des obligations offrant un rendement sensiblement supérieur à celles qu’ils possédaient en portefeuilles.

Résilience du fonds en euros et perspectives dans les prochains mois

Nous avons vu que le portefeuille des actifs généraux est partiellement protégé contre la hausse des taux par plusieurs éléments :

  • La stabilité du passif (peu de rachats) conjuguée à une duration des actifs financiers inférieure à celle du passif. : les flux à l’actif (arrivées à maturité des obligations) sont plus courts que les flux de passifs (paiement des rachats). Cette situation permet aux gérants de réinvestir à un taux plus élevé que les échéances ainsi que les liquidités dont ils disposaient. Le cas contraire aurait été préjudiciable : les gérants auraient alors dû céder des obligations pour créer de la liquidité afin de répondre aux rachats. Ce qui aurait comme conséquence de devoir constater des moins-values sur les obligations acquises avant le mouvement de hausse des taux.
  • Une diversification des actifs de plus en plus importante : au cours des dernières années, les gérants ont massivement renforcé leur exposition à l’immobilier, la dette privée, l’infrastructure et le private equity. Rappelons ici que le rendement de ces actifs dits « réels » est généralement indexé sur l’inflation. Enfin, ces actifs disposent de plus-value latente importantes, offrant donc un coussin confortable en cas de baisse.
  • La hausse de spread permet de limiter la dilution des taux de rendement du portefeuille obligataire au global, les gérants pouvant investir dans des actifs corporate dont le rendement est attractif (vs taux souverains), sans augmenter le risque de contrepartie. La diversification et la sélectivité est encore plus importante qu’en 2021 lors des choix d’allocation et la sélection des supports d’investissements.

Le taux de rendement plancher sur les fonds en euros a certainement été atteint en 2021. L’année 2022 devrait être la première à voir une timide hausse du rendement sur support en euros, poussé par l’achat de nouvelles obligations avec des taux supérieurs ainsi que des actifs réels.

Le consensus estime que cette situation de taux sensiblement supérieurs à ce que nous avons connu depuis plusieurs années devrait se poursuivre : ce contexte devrait laisser une marge de manœuvre supérieure aux gérants pour effectuer des réserves de capitalisation. Ces réserves, qui correspondent à des plus-values latentes, sont conservées par les assureurs pour palier un environnement futur moins favorable.